Appel à maintenir le soutien aux associations,
trois associations témoignent
Le 10 décembre, lors d’une conférence de presse organisée à la Maison Régionale de l’Économie Sociale et Solidaire, Le Mouvement associatif Centre-Val de Loire a voulu alerter sur les risques auxquels sont confrontées de nombreuses associations à cause des restrictions budgétaires actuelles. Ces dernières craignent pour la pérennité de leurs projets, et dans certains cas, pour la survie de leurs structures. Elles s’inquiètent également pour la santé des salarié·es et bénévoles engagé·es ainsi que celle de leurs bénéficiaires, si le soutien des collectivités territoriales venait à disparaître.
Plusieurs associations ont accepté de témoigner de leurs préoccupations concrètes. Parmi elles, le 108, collectif de structures artistiques et culturelles gérant un lieu indépendant dédié à la recherche et à l’expérimentation, Cent Soleils, une association de diffusion et de sensibilisation au « documentaire de création », et Solembio, une association de production légumière biologique à vocation d’insertion sociale et professionnelle.
Conférence de presse, Appel à maintenir le soutien aux associations, trois associations témoignent © Le Mouvement associatif Centre-Val de Loire
Les associations dans l’incertitude
Dans un contexte marqué par des restrictions budgétaires de l’État, qui auront des répercussions sur les collectivités locales, ainsi que par des annonces de coupes budgétaires brutales d’une région voisine, les associations peinent à envisager l’avenir.
« Nous sommes en décembre, et la plupart des associations ont déjà prévu un budget pour 2025, mais elles n’ont aucune certitude sur la pertinence de leurs prévisions », explique Jean-Michel Delaveau, Président du Mouvement associatif Centre-Val de Loire.
Marion Jouhanneau, directrice du 108, ajoute : « Nous avons un réel problème de visibilité concernant les subventions et les aides au fonctionnement. On nous demande de projeter nos activités tout en essayant d'anticiper les baisses, sans savoir de combien elles seront. » Elle poursuit : « Le secteur culturel a déjà été durement touché par la crise du Covid en 2020. Nous nous relevons à peine, et voilà que nous faisons face à une nouvelle vague de difficultés, ce qui crée de nombreuses inquiétudes, forcément. » « Nous nous préoccupons non seulement de 2025, mais aussi des années à venir. Le budget alloué au secteur culturel a diminué chaque année ces cinq dernières années. »
Julie Maréchal, chargée de la programmation pour l’association Cent Soleils, témoigne des appréhensions que suscite le manque de visibilité : « Le mois dernier, au moment de la période de dépôt des demandes d’aide à la Région, nous avons découvert que cette aide avait été supprimée, alors que ce guichet était particulièrement sollicité par de petites associations de secteurs très précaires. » Cette situation a conduit l’association à contacter le Conseil Régional : « Nous avons eu une parole rassurante de la Région indiquant qu’elle allait continuer de soutenir les petites associations, ce qui nous rassure pour l’année prochaine, bien que la suppression de cette aide nous maintient un peu dans le flou. »
Marion Tortosa, directrice de Solembio, ajoute : « Dans le secteur de l’insertion aussi, nous naviguons à vue pour calculer notre budget. En l’espace de trois mois le changer trois ou quatre fois en fonction des annonces qui nous parviennent. » L’association a déjà traversé une période difficile : « En 2023, les structures d’insertion ont subi des baisses de budget FSE (Fonds Social Européen) rétroactives pour 2022-2023. À Solembio nous avons vécu cela de manière très violente. »
Le sentiment de pression que crée la nécessité de faire toujours plus sans les moyens qui vont avec pour s’en sortir est partagé. Marion Jouhanneau reprend : « On nous demande de maintenir nos objectifs tout en réduisant nos budgets, sous peine de perdre encore plus de financement. Pour imager, c’est comme si sur un objectif budgété à 10 000€ on nous octroie 8000€ et on nous demande de tenir ce que l’on a prévu à 10 000€. Et comme on ne l’a pas tenu à 8000€ on nous proratise les subventions déjà baissées. Et la santé des équipes qui doivent assurer d’autant plus de missions s’épuise. »
Des équipes salariées et bénévoles épuisées
Cette situation n’est pas circonscrite au secteur culturel, elle touche l'ensemble du monde associatif. L'incertitude concernant les financements des activités des associations a des répercussions directes sur les personnes impliquées, tant bénévoles que salarié·es. Marion Tortosa illustre cette réalité ; « En 2022, il y avait des fonds, nous nous sommes développés, nous avons recruté, nous nous sommes structurés pour pouvoir produire plus de légumes, pour répondre au besoin du territoire, participer à l’aide alimentaire, proposer des actions de sensibilisation. Il y avait du sens, nous étions contents et fiers du travail que l’on faisait. Et puis 2023 nous avons donc dû faire face au baisses budgétaire avec du développement, mais à équipe constante. Donc plus de paniers, plus de vente directe, sans chargé de communication, sans moyen de recruter. Cela a déclenché deux départs volontaires. Nous avons dû nous réorganiser rapidement. Cette instabilité a détourné nos énergies des actions qui devraient être consacrées à notre mission d’intérêt public et aux impacts positifs pour nos territoires. »
« J’ai envie de parler de santé des équipes. Face à ce contexte, notre capacité d’innovation est devenue plus subie qu’anticipée. Nous innovons non pas pour répondre aux besoins des territoires, mais pour nous adapter aux contraintes budgétaires dans une temporalité extrêmement courte. Moins d’un an pour Solembio. Cela a des conséquences directes, les salarié·es et bénévoles sont épuisé·es par l’incertitude et la charge croissante, un risque de perte de mobilisation bénévole : les enjeux complexes découragent l’engagement et une désorganisation interne par la perte de stabilité budgétaire empêche la structuration et la pérennisation des projets».
« Ces coupes se font au détriment de notre santé. À un moment la priorité va être notre santé. »
Maintenir des missions d’intérêt général
Maintenir le soutien aux associations c'est également préserver les missions d'intérêt général qu'elles mènent sur l'ensemble des territoires, au profit de tous, y compris des publics les plus fragiles.
Malgré la volonté et l’engagement des équipes, ce sont les missions des associations qui seront affectée. Pour Marion Jouhanneau « Il y a un sentiment de double peine, le 108 sera en manque de moyen donc moins en soutien pour les plus de 60 structures associatives qu’il abrite, qui seront elles-même aussi déjà impactées ».
Pour maintenir au mieux la qualité des missions les associations se retrouvent à re-questionner leur modèle économique. « La culture a-t-elle vocation à être un système économique générant du bénéfice ? Nous nous battons nous pour l’accès au droit culturel plutôt que la consommation de spectacle et la rentabilité des salles à tout prix».
Pour Solembio l’impact social de leur mission est également fragilisé par les baisses budgétaires. « Nous accompagnons un public précaire, fragile. » « Nous avons entre trente et quarante salarié·es en insertion, cette année nos ETP (équivalents temps plein) en insertion ont baissé dû à l’absentéisme. Les personnes que nous accueillons sont parfois très abimées. Mais le nombre d’ETP se réduit lorsque nous ne les remplissons pas entièrement ». explique Marion Tortosa.
« Les associations dans la région Centre-Val de Loire c’est 65000 emplois. Nous ne sommes pas des « quémandeurs de subventions » nous sommes là car nous remplissons une mission, une mission d’intérêt général et non lucrative. Cette mission doit être reconnue et nous devons avoir un minimum d’assurance dans la durée.» Conclut ainsi Jean-Michel Delaveau.
Contact presse
Simon Murier
Chargé de communication
Le Mouvement associatif Centre-Val de Loire
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